Radio France et autres c. France

Cour européenne des droits de l’Homme
30 mars 2004

Faits

Les requérants, un journaliste et un directeur de rédaction, furent condamnés pour diffamation pour avoir diffusé à la radio, pendant 24 heures, plusieurs bulletins d'information attribuant à J., ancien fonctionnaire, un rôle actif et personnel dans la déportation d'un millier de juifs en 1942. Le tribunal national a jugé que ces accusations, qui étaient fausses, constituaient une diffamation. Le journaliste et le directeur de la rédaction ont été condamnés à payer une amende à titre de dommages et intérêts. La société a également été condamnée à diffuser un communiqué informant le public de la condamnation.  

Plainte 

Les requérants se plaignent d'une violation de leur droit à la liberté d'expression en raison des sanctions et mesures qui leur ont été imposées par les juridictions nationales. Les requérants se plaignent que l'ordonnance les obligeant à diffuser un communiqué sur la condamnation n'a pas été prescrite par la loi.  

Arrêt de la Cour 

La Cour estime que les requérants ont subi des ingérences dans leur liberté d'expression en raison de leurs convictions. En ce qui concerne la question de savoir si les ingérences ont été prévues par la loi, la Cour n'est pas d'accord avec les requérants et juge que tant la sanction pénale que l'ordonnance imposant au requérant de faire une réparation civile en diffusant une annonce relative à la condamnation ont été prévues par la loi. En effet, cette ordonnance avait une base en droit interne et était prévisible. Ces ingérences poursuivaient également un but légitime, à savoir la protection de la réputation ou des droits d'autrui.

En ce qui concerne la proportionnalité des ingérences, la Cour constate que le journaliste a diffusé des informations erronées et n'a pas pu prouver qu'il avait fait preuve de la plus grande prudence et d'une particulière modération, exigées tant par l'extrême gravité des faits reprochés à J. que par la répétition du bulletin sur une station de radio pouvant être entendue sur l'ensemble du territoire français. Les motifs de l'atteinte à l'honneur et à la dignité de J. retenus par les juridictions françaises ont donc été jugés "pertinents et suffisants". Les sanctions et mesures de réparation imposées aux requérants n'ont pas été disproportionnées par rapport au but légitime poursuivi et compte tenu de l'extrême gravité des faits reprochés. La Cour conclut que l'ingérence peut être considérée comme " nécessaire dans une société démocratique " et conclut à la non-violation de l'article 10.

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Dernière mise à jour 13/11/2023