La liberté d'expression protège le droit de chacun à s'exprimer librement, quelle que soit la forme d'expression. Cela signifie que la liberté d'expression artistique est également protégée.

Expression artistique et liberté d'expression

En général, l'expression artistique est protégée comme faisant partie du droit général à la liberté d'expression. C'est le cas de la Cour européenne des droits de l'Homme qui considère que l'article 10 de la Convention protège également la liberté artistique, parce qu'elle offre la possibilité de participer à l'échange public d'informations et d'idées de toute nature dans les domaines culturel, politique et social. Par conséquent, ceux qui créent, exécutent, distribuent ou exposent des œuvres d'art contribuent à l'échange d'idées et d'opinions qui est essentiel pour une société démocratique.

L'expression artistique en tant que droit autonome

D'autres textes internationaux et nationaux protègent l'expression artistique comme un droit autonome indépendant de la liberté d'expression. Par exemple, la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne protège la liberté artistique dans un article distinct de la liberté d'expression. De même, en France, la création artistique est protégée par une loi spéciale indépendamment de la liberté d'expression. Cette loi stipule que la création artistique et sa diffusion peuvent s'exercer librement, ce qui signifie qu'il n'y a pas de censure publique de cette liberté. Le code pénal français  protège également la création artistique de la censure privée puisqu'il condamne le fait d'entraver, de manière concertée et sous la menace, l'exercice de la liberté d'expression artistique.  

L'autonomie de ce droit s'explique par sa nature et sa finalité spécifiques. Alors que la liberté d'expression concerne principalement la transmission d'idées et d'informations, l'expression artistique a pour objet de donner une forme artistique aux idées et aux informations contenues dans une œuvre d'art. La création artistique va donc au-delà de la simple communication d'idées, elle inclut l'ensemble du processus créatif, depuis l'idée de l'artiste jusqu'à sa forme finale. 

Protection de l'expression artistique

En réalité, bien qu'elle soit garantie par une loi distincte, la liberté d'expression artistique est protégée de la même manière que la liberté d'expression en général. La loi française énonce que la diffusion de la création artistique doit se faire dans le respect des principes de la liberté d'expression. Ainsi, le droit à l'expression artistique peut être exercé librement sauf à violer d'autres droits tout aussi importants. La protection de ce droit est très large car l'expression artistique comprend les œuvres d'art sous toutes leurs formes : peintures, pièces de théâtre, films, chansons, caricatures, spectacles musicaux, collages satiriques, etc. 

Cependant, la liberté d'expression artistique bénéficie parfois d'une protection plus forte. En effet, en droit français, la dimension artistique d'une œuvre peut justifier la protection des intérêts de l'artiste par rapport à d'autres intérêts tels que le droit à la vie privée d'autrui. Parce que la protection des droits d'autrui et la liberté d'expression artistique sont d'égale valeur, un équilibre doit être recherché entre elles, et l'intérêt le plus légitime dans une situation particulière doit être protégé.

exemple Dans une affaire concernant une collection de photographies de personnes prises dans l'espace public sans leur consentement, la Cour a noté que, dans l'équilibre des droits, la liberté d'expression artistique devait être privilégiée par rapport au droit des personnes à la vie privée chaque fois que l'exercice de ce dernier empêcherait arbitrairement l'artiste de s'exprimer par le biais de son œuvre.

De même, la satire est considérée comme une forme d'expression artistique et de commentaire social qui, par ses caractéristiques inhérentes d'exagération et de distorsion de la réalité, vise naturellement à provoquer et à agiter. 

Cette forme d'expression joue un rôle très important dans la libre discussion des questions d'intérêt public, sans laquelle il n'y a pas de société démocratique. Par conséquent, toute ingérence dans le droit d'un artiste d'utiliser ce moyen d'expression doit être examinée avec une attention particulière. 

exemple La condamnation pénale d'un militant politique pour avoir insulté le président français en brandissant un collage satirique a été jugée disproportionnée par rapport au but poursuivi et inutile dans une société démocratique.

Restrictions à l'expression artistique

La création artistique utilise souvent des techniques telles que l'exagération, la métaphore ou l'illusion pour provoquer des réactions de la part du public. 

L'utilisation de ces techniques s'applique parfois à des sujets sensibles ou controversés, ce qui explique que certaines limites soient appliquées à l'expression artistique. C'est le cas des films qui doivent être autorisés par le ministre chargé de la culture avant d'être diffusés. Cette autorisation peut être refusée ou assortie de conditions pour des raisons de protection de l'enfance et de la jeunesse ou de respect de la dignité humaine.

Bien que la liberté d'expression artistique soit fortement protégée, elle peut parfois être restreinte lorsqu'elle dépasse certaines limites. En effet, la création artistique est plus souvent sujette à des litiges impliquant la moralité, l'intégrité physique, la religion, la violence, les discriminations, etc.

exemple Dans une affaire concernant une exposition de cadavres humains qui s'était ouverte à Paris, la Cour a estimé que cette exposition violait le droit des personnes décédées à être traitées avec respect et dignité. Cette exposition a donc été interdite.

Lorsqu'une expression artistique suscite une controverse, la difficulté est d'isoler dans l'œuvre ce qui relève de la fiction et ce qui n'en relève pas. C'est souvent le cas dans les litiges liés à l'art qui provoque la discrimination et l'insulte publique à l'égard de certains groupes de personnes.

exemple Dans une affaire concernant une chanson du rappeur qui incitait le public à commettre des violences à l'encontre des femmes, le tribunal, tout en soulignant la nature artistique de l'œuvre litigieuse, a relevé que les paroles étaient fictives et ne pouvaient être attribuées à l'auteur mais plutôt à un personnage fictif. Le rappeur n'a pas été condamné et son expression artistique a été protégée.

exemple Le même rappeur a été condamné pour une autre chanson qui, cette fois, contenait un appel explicite et général à la violence contre la police. Le tribunal a considéré que l'œuvre n'était pas de nature fictionnelle, justifiant ainsi une sanction pénale.

Ressources

Dernière mise à jour 10/11/2023